Monsieur le Président de la Transition,

Permettez qu’en ma qualité de frère de feu Binaba COULIBALY, agent à Moov Malitel dont la dépouille a été découverte chez lui par sa femme et « deux de ses amis » le 17 septembre 2023, je vous adresse cette lettre ouverte, empreinte de respect, de douleur mais aussi d’espoir, dans l’unique but d’attirer votre attention sur une situation humaine et judiciaire d’une gravité certaine, touchant non seulement notre famille, mais plus fondamentalement, les principes élémentaires de justice et de dignité humaine, et surtout le droit des dépouilles humaines.

Depuis plus de quinze mois, la dépouille de notre frère repose dans une chambre froide, en attente d’un processus judiciaire que nous respectons, mais dont la lenteur suscite chez nous une profonde incompréhension. Car au-delà de l’émotion familiale, il s’agit ici d’un droit fondamental : celui du défunt à accéder à son repos éternel dans la dignité, principe que consacre notre humanité partagée et que protègent tant les traditions que les normes administratives, morales, religieuses et juridiques.

Nous comprenons parfaitement que l’affaire puisse nécessiter des investigations approfondies. Toutefois, le délai écoulé et l’absence de communication sur l’état d’avancement du dossier posent aujourd’hui de sérieuses questions sur le respect du juste équilibre entre la nécessité de faire la lumière sur les faits et le droit de la dépouille à ne pas être maintenue indéfiniment dans l’attente de son inhumation.

Monsieur le Président de la Transition,

Nous sommes, en tant que citoyens, profondément attachés au principe d’indépendance de la justice. Nous ne remettons nullement en cause ce fondement essentiel de notre État de droit. Notre démarche ne vise ni à désigner des coupables, ni à remettre en cause le travail des services judiciaires, mais à solliciter une écoute bienveillante et une action diligente pour permettre à cette affaire d’évoluer dans un esprit de justice équitable.

Depuis le jour du drame, plusieurs membres de la famille biologique ont tenté de faire entendre leurs témoignages, chose qui a été faite le mois passé seulement. L’une de nos sœurs, présente au domicile du défunt, demeure à ce jour un témoin central dont la version complète des faits n’a, à notre connaissance, été recueillie officiellement par la justice. Elle a, au moment des faits, fait connaître sa version via un média social local.

Nous estimons que cette omission contribue à entretenir des zones d’ombre que seule une instruction complète et équilibrée pourrait lever.

Nous regrettons également que des décisions importantes aient été prises dans les premières heures ayant suivi le décès, sans consultation de la famille biologique, par les deux amis et la femme du défunt, à savoir l’enlèvement de la dépouille par les soins d’un corbillard pour une destination inconnue. Ces deux personnes présentes ce jour-là, dont l’un a servi jusqu’à une date récente comme conseiller dans une Institution de la République, nous sont inconnues et auraient été appelées par la femme du défunt pour lui parler, alors que sa grande sœur de lait était présente.

Chez lui depuis deux jours.
Nous n’émettons ici aucun jugement de valeur sur leur bonne foi, mais nous nous interrogeons sur leur légitimité à agir dans un moment aussi sensible, en l’absence des proches du défunt.

Nous tenons à rappeler que la famille ne s’est jamais opposée à la conduite d’une enquête sérieuse. Bien au contraire, elle a multiplié les démarches – par l’intermédiaire de son conseil – pour que toutes les diligences soient faites dans le respect des normes de procédure. L’objectif a toujours été le même : connaître la vérité, et permettre à notre frère d’être inhumé en paix.

Monsieur le Président de la Transition,

Nous avons bien conscience des contraintes auxquelles est confrontée l’institution judiciaire. Nous respectons le rythme propre à toute procédure d’instruction. Toutefois, nous sommes en droit d’espérer que les principes de célérité et d’équité soient appliqués avec humanité lorsqu’une dépouille est en jeu. Le maintien prolongé d’une dépouille humaine, sans inhumation, est une situation moralement éprouvante, religieusement inadmissible, humainement, juridiquement et administrativement, voire difficilement défendable.

Nous sollicitons, avec tout le respect dû à Votre Haute Fonction, que vous examiniez la situation de ce dossier sous l’angle du droit fondamental au repos éternel, et que vous envisagiez, dans la limite de vos prérogatives, d’intercéder auprès de l’autorité compétente – en l’occurrence Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux – afin qu’une inspection ou une évaluation soit diligentée sur la conduite de cette instruction. Cela permettrait de garantir à la fois les droits du défunt, la sérénité de sa famille, et la confiance des citoyens dans l’impartialité de notre justice, que nous respectons et derrière laquelle nous sommes restés jusqu’ici.

Notre frère, feu Binaba COULIBALY, était un homme apprécié pour sa rigueur dans le travail. Il a servi avec loyauté son employeur qui l’a à plusieurs reprises récompensé. Son décès, survenu dans des circonstances non encore élucidées, ne devrait pas être suivi d’un silence ou d’une lenteur judiciaire. Il mérite la vérité. Il mérite la dignité. Il mérite le repos.

En espérant que cette lettre retienne toute votre attention et qu’elle contribue à relancer une dynamique respectueuse de la mémoire du défunt, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la Transition, l’expression de ma très haute considération.

Fait à Bamako, le 24 avril 2025
Monsieur Adama COULIBALY
(frère de lait de Binaba Coulibaly)

Au nom de la famille biologique de feu Binaba COULIBALY