En séjour à la prison de Kénioroba, l’économiste Étienne Fakaba Sissoko, directeur du Centre de recherche et d’analyse politiques, économiques et sociales (CRAPES), comparaîtra devant la Cour d’appel de Bamako ce 7 octobre 2024.

Arrêté le 25 mars 2024, le jeune universitaire a été condamné le 20 mai de la même année à deux ans de prison, dont un an ferme, et à une amende de trois millions de francs CFA. Il est poursuivi pour “atteinte au crédit de l’État, injures envers les autorités et diffusion de fausses nouvelles’’, à la suite de la publication de son ouvrage intitulé ‘’Propagande, Agitation, harcèlement : La communication gouvernementale sous la transition’’.

Dans cet ouvrage, l’auteur critique la communication des autorités militaires maliennes depuis le coup d’État du 18 août 2020. Il y analyse, selon une source proche de l’homme, les stratégies de ‘’propagande et de manipulation’’ employées par les gouvernements de transition successifs, et met en lumière les tensions dans les relations avec la communauté internationale. Ces prises de position lui ont valu des poursuites judiciaires, dans un contexte où ‘’ la liberté d’expression au Mali fait face à des restrictions croissantes’’, selon un de ses avocats.

Les avocats de Sissoko, ainsi que plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, ont dénoncé une instrumentalisation de la justice et appellent à sa libération immédiate et sans conditions. Pour eux, « la condamnation repose sur des accusations infondées et vise à faire taire l’une des dernières voix critiques du régime ».

Depuis son arrestation, le Professeur Sissoko a été transféré à plusieurs reprises. D’abord à la prison de Dioïla, à 160 km de Bamako, à la MCA de Bamako, puis à la prison centrale de Kénioroba, à 75 km de la capitale. « Ces déplacements successifs ont rendu les visites de sa famille plus difficiles et ont contribué à accroître la pression psychologique exercée sur lui », selon ses proches.

L’audience du 7 octobre 2024 fait suite à l’appel interjeté par la défense pour contester à la fois la décision de rejet de sa mise en liberté et du verdict du procès rendu en mai. Les regards sont désormais tournés vers la Cour d’Appel de Bamako, où se jouera une étape cruciale de l’avenir de cet intellectuel engagé.

Né en 1983 à Gounfan, dans la région de Bafoulabé, Étienne Fakaba Sissoko dispense des cours de macroéconomie à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG) de Bamako et dirige le CRAPES.

Tout au long de sa carrière, il a travaillé comme conseiller auprès de diverses institutions maliennes, notamment la Présidence de la République, la Primature de la République et aux Nations Unies au sein de la Minusma.

Auteur de plusieurs ouvrages académiques, il est également directeur de publication de l’hebdomadaire chrétien d’informations Missions.

Son engagement en faveur de la démocratie et de la liberté d’expression lui a déjà valu des répercussions. En 2022, il est emprisonné pendant six mois pour ses critiques à l’encontre des autorités militaires.

Le verdict de la Cour d’Appel de Bamako est particulièrement attendu, tant au Mali qu’au-delà des frontières. Il pourrait constituer un test pour la liberté d’expression dans le pays, alors que les autorités de transition continuent de resserrer leur contrôle sur l’espace politique et médiatique.

La rédaction